Parfois, il faut faire des détours obligés avant de revenir au quai. André Roswell en sait quelque chose. Après avoir travaillé pendant des années derrière un bureau dans la région de Sherbrooke, celui qui a grandi à Harrington Harbour, sur la Basse-Côte-Nord, est revenu à ses premiers amours, derrière un gouvernail.
PAR GENEVIÈVE VÉZINA-MONTPLAISIR
Présenté par le Créneau d’excellence Ressources, sciences et technologies marines
Sa plus vieille « histoire de pêche », André la raconte avec un sourire dans la voix. Alors qu’il était en maternelle, il avait dessiné dans son cartable un quai et un petit bateau de pêche partant vers le large. Sur le quai, un petit garçon pleurait. « Ce matin-là, mon père ne m’avait pas réveillé à 2 h du matin, comme il avait l’habitude de le faire, pour que je l’accompagne à la pêche à la morue. J’étais triste ! »
Ce souvenir lointain montre bien l’attachement qu’André, aujourd’hui âgé de 42 ans, a développé dès son plus jeune âge pour la pêche. Mais à l’époque, même dans un village côtier de 350 personnes dont le coeur battait au rythme de la pêche, les gens se questionnaient sur l’avenir du métier.
« On nous poussait plus à aller faire des études sur le continent, et c’est ce que j’ai fait, à Sherbrooke, en administration. Mais chaque été, dès que l’école finissait, je retournais à Harrington et je pêchais tout l’été avec mon père. J’adorais ça ! » souligne-t-il avec son charmant accent de coaster, le surnom des habitants de la Basse-Côte-Nord.
« Être sur la mer, c’est comme être dans un autre monde. Tous tes stress partent, tu es vraiment dans le moment présent. »
– André Roswell
Entre la terre ferme et le large
Après six étés à parcourir 1500 kilomètres pour retrouver son ancrage et renouer avec cet extraordinaire sentiment de liberté que lui procure la pêche, André débute une carrière sur la terre ferme à Sherbrooke. Il a été tour à tour superviseur d’un centre d’appel, responsable des comptes à recevoir dans une compagnie de meubles, puis représentant en assurances et services financiers. Il rencontre alors celle qui allait devenir sa femme et la mère de sa fille, et qui a grandi sur la Côte-Nord. Tous les deux décident de revenir plus près de leur famille. André profite alors d’un transfert dans l’entreprise pour laquelle il travaille. Il devient directeur des ventes du bureau de Sept-Îles. Chaque été, il passe ses vacances à Harrington Harbour et donne un coup de main sur le bateau de pêche paternel.
« Quand mon père a évoqué sa retraite, ma femme m’a poussé à discuter avec lui, car elle savait que j’étais un pêcheur dans l’âme. On a commencé à parler de prendre la relève en même temps que mon poste a été coupé, souligne-t-il. J’ai donc recommencé à pêcher le crabe avec mon père en 2017. À 65 ans, il n’est toujours pas à la retraite ! L’an passé, j’ai eu mon premier permis de pêche au homard à mon nom. Quand j’ai sorti mon premier homard de sa cage, j’ai vraiment eu le sentiment d’être à la bonne place ! »
Maintenant pêcheur et fier de l’être, André quitte Sept-Îles en avril pour pêcher crabe, homard, morue et flétan tout l’été et vivre enfin pleinement sa passion à Harrington Harbour, puis il revient « en ville », auprès de sa petite famille, en août.
André participe aussi à un projet de recherche scientifique avec son père sur la pêche au buccin. Appuyé par le Fonds des pêches du Québec – qui finance entre autres des projets innovants en pêche durable –, il teste les nouvelles cages que son père et lui ont créées pour le buccin. Les pêcheurs sont souvent les mieux placés pour développer de meilleures pratiques pour l’industrie de la capture. « Ce que j’aime de la pêche, c’est le fait d’être dehors, le plein air, les odeurs, l’eau salée. Être sur la mer, c’est comme être dans un autre monde. Tous tes stress partent, tu es vraiment dans le moment présent », assure-t-il, les petits yeux brillants derrière ses lunettes.
Une nouvelle passion
Quand il n’est pas en mer, soit de septembre à mars, André partage son amour de la pêche et ses bonnes pratiques aux étudiants de l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec. Depuis trois ans, il donne des cours pour la formation Pêche professionnelle sur le respect des règles de route, l’utilisation des cartes marines et la stabilité du navire de pêche.
« J’adore ça, ça me garde actif et au courant des dernières avancées dans le milieu. C’est intéressant de pouvoir partager ma passion pour mon métier, mais aussi d’utiliser mes expériences et tout ce que je connais de la pêche pour former la relève de demain. »
Pour être un bon pêcheur, André assure qu’il faut avoir du caractère – il n’en manque pas ! –, mais il souligne qu’aujourd’hui, il faut également être capable d’utiliser tous les nouveaux logiciels et comprendre le côté gestion lié au métier.
« C’est pourquoi la formation professionnelle est importante. Être pêcheur, c’est aussi être entrepreneur », dit celui dont les études en comptabilité lui sont fort utiles quand vient le temps de faire les comptes.
Quant à sa relève, elle est pour le moment incertaine. Comme lui, sa fille de 12 ans adore l’eau, mais préfère… la nage synchronisée à la pêche !
Magazine le Goût de la Côte-Nord
Juin 2022 – Numéro 2
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