Six produits émergents de la Côte-Nord

Qui dit Côte-Nord dit abondance de bleuets, de crevettes nordiques et de crabe des neiges. Oui, mais la Côte-Nord, c’est aussi la camerise, la camarine, la pomme, la salicorne, le houblon, la vigne, les algues, le sel de mer et les nombreux aromates de la forêt boréale. Tour d’horizon de certaines de ces filières émergentes qui changent tranquillement le portrait agroalimentaire de la région.

PAR VIRGINIE LANDRY

Photo : Jan Piatkowski / Unsplash
Photo : Jan Piatkowski / Unsplash

Houblon

« Il y a des microbrasseries sur la Côte-Nord, mais personne pour leur fournir du houblon local », indique Steve Berthiaume. C’est pour cette raison toute simple que lui et son père, Pierre, tous deux propriétaires de la ferme maraîchère Les jardins de Carmanor, à Ragueneau, se sont lancés dans la création de la première houblonnière nord-côtière. Le houblon étant une plante rustique et vivace, il pousse facilement et sans grands défis dans le climat nordique de la Côte-Nord. Dans le champ de Steve Berthiaume, on trouve même un houblon québécois, le Renaissance, un hybride entre une variété indigène et une variété américaine. Pour savoir si son environnement nordique teintera son goût, il faudra attendre encore quelques années, puisque « le houblon atteindra son arôme optimal à sa quatrième année d’exploitation ». L’an dernier, Steve Berthiaume a pu fournir assez de houblon à la Microbrasserie St-Pancrace, située à Baie-Comeau, pour l’élaboration d’une bière collaborative issue d’un assemblage de cinq variétés de houblons. La première cuvée a vu le jour en 2021 et une seconde suivra cette année.

Algues

Les algues se cultivent exceptionnellement bien sur la Côte-Nord à l’aide de cordes submergées. En effet, à Sept-Îles, il y a beaucoup de soleil et l’eau est très froide : des conditions idéales pour que les algues prolifèrent. « Les algues, c’est facile à produire. On les récolte rapidement, elles sont délicieuses et nutritives. Les algues, c’est l’avenir », affirme Sandra Blais, de la ferme maricole Purmer, située sur l’île Grosse Boule, au coeur de l’archipel des Sept Îles. Si les algues n’étaient au départ qu’une production complémentaire à un élevage de moules et de pétoncles (deux coquillages à production et à rentabilité longues), elles sont rapidement devenues une passion pour Sandra Blais. Avec ses productions de laminaire sucrée et de dulse (aussi surnommée « bacon de mer »), elle cuisine des lasagnes, prépare des croustilles et produit des paillettes sèches à saupoudrer sur les plats afin de répondre à la demande grandissante pour cet aliment en vogue.

Pommes

Il y a sept ans, lorsque Frédéric Dallaire a planté ses premiers pommiers à sa ferme en régie biologique de Pointe-aux- Outardes, il ne se doutait pas que le défi serait si grand. « Il y a eu beaucoup de contraintes, comme la neige qui peut briser les branches au printemps, un sol peu fertile qu’il faut enrichir, le coût des intrants comme le fumier qui est très élevé et la lutte constante contre la saperde du pommier, un insecte ravageur qu’on trouve dans la région et qui détruit les arbres », reconnaît le fondateur de la pommeraie nordique Pointe-aux-Pommes. Malgré toutes ces embûches, Frédéric Dallaire a persévéré, et ses efforts commencent à porter leurs fruits. Il est maintenant en mesure d’offrir deux variétés de pommes rouges et une pomme-poire (jaune), qui sont vendues dans les marchés publics du coin et les paniers de la coopérative de solidarité Gaïa. Prochaine étape ? Approcher les grandes surfaces afin d’approvisionner les gens de la région en pommes nordiques.

Vin

Il faudra attendre encore quelques années pour boire un premier vin nord-côtier, mais sa production est en cours. En effet, Adam Desbiens, qui a fondé le Domaine Côte du Nord, à Ragueneau, s’attend à la mise en marché de son premier jus, un vin gris, au printemps 2024, puis d’un rosé à l’été. Suivraient un rouge en décembre 2024, puis un « gros rouge », vieilli en barriques pendant trois ans, vers 2028. Grâce aux sols très sablonneux de la Côte-Nord, les vins nordiques offriront une belle minéralité et un nez très « sur le fruit ». Adam Desbiens travaille ses assemblages avec deux cépages provenant de la région baltique, un québécois et un américain. Il se garde bien de révéler lesquels, alors qu’il est encore en train d’expérimenter. Selon lui, l’engouement pour les vins nordiques est bel et bien là, surtout auprès des producteurs et productrices de régions viticoles plus chaudes, qui ont soif d’un produit aux saveurs concentrées, hautement fruité, minéral et acide. « Ils veulent découvrir le Nord, ils veulent boire le Nord.

Camerise

Il n’y a qu’au Québec qu’on parle de « camerise ». Ailleurs dans le monde, ce petit fruit bleu foncé qui ressemble étrangement à un bleuet de forme allongée est plutôt appelé « haskap » ou « honeyberry ». Le camérisier, un arbuste rustique dont la plantation n’a commencé qu’en 2007 au Québec, pousse très bien dans les climats nordiques, n’a pas peur des grands froids et des gels du printemps et donne des fruits très tôt en saison. Vraiment, cette petite baie regorgeant d’antioxydants est une culture idéale pour le territoire nord-côtier. La Ferme Manicouagan, à Pointe-Lebel, et Le Refuge de l’Érablière, à Tadoussac, sont membres de l’association Camerise Québec. La coop Agro, à Gros-Mécatina, sur la Basse-Côte-Nord, mise elle aussi sur la camerise afin de diversifier l’économie locale. Les petits fruits sont parfois offerts en autocueillette, vendus frais ou congelés et bien souvent transformés en délicieuses confitures et gelées.

Photo : Sel Saint Laurent
Photo : Sel Saint Laurent

Sel de mer

Manuel Bujold Richard trouvait absurde qu’il n’y ait pas de sel de mer comestible produit au Québec. Il a lui-même remédié à la situation. En 2020, il a fondé Sel Saint Laurent, à Grandes-Bergeronnes, et, la même année, a réussi à mettre sur la table des Québécois le tout premier sel de mer 100 % local. Ce sel, qui ressemble plus à la fleur de sel, c’est-à-dire un flocon croquant au goût très doux, est « moins iodé » que le sel ordinaire, dit-il. Il est fabriqué à partir d’une eau cristalline puisée à plus de 200 mètres de profondeur dans l’estuaire du Saint-Laurent. Récolté à la main, le sel est ensuite extrait à froid. L’engouement pour son produit tout à fait unique est tel qu’il est en train de construire une « fabrique de sel ». Cette usine de production devrait, si tout va bien, ouvrir ses portes à la fin de l’automne 2022.

Magazine le Goût de la Côte-Nord

Juin 2022 – Numéro 2

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